Le projet de loi pour la croissance et l'activité a été définitivement adopté le 10 juillet dernier et soumis au Conseil constitutionnel dont la décision est attendue au plus tard le 15 août prochain.
Parmi les mesures novatrices les plus et critiquées figure l’instauration d’un barème pour les indemnités octroyées par le juge prud’homal en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans un souci annoncé de renforcer la prévisibilité des décisions prud’homales, la loi Macron a mis en place un système de plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui permettra, en cas de contentieux, aux employeurs d’évaluer le risque financier lié au prononcé d’un licenciement et aux salariés d’avoir une vision plus précise du montant des dommages et intérêts qui pourraient leur être accordés en cas de contentieux.
D’après la loi, en cas de condamnation pour licenciement abusif, le montant des indemnités octroyées au salarié serait encadré de la manière suivante :
Moins de 20 salariés Entre 20 et 299 salariés A partir de 300 salariés
moins de 2 ans :
Maximum 3 mois Maximum 4 mois Maximum 4 mois
entre 2 et 10 ans :
Minimum 2 mois Minimum 4 mois Minimum 6 mois Maximum 6 mois Maximum 10 mois Maximum 12 mois
10 ans et plus :
Minimum 2 mois Minimum 4 mois Minimum 6 mois Maximum 12 mois Maximum 20 mois Maximum 27 mois
Dans certains cas, qualifiés «d’
atteinte grave au droit du travail », ce barème sera inapplicable et les juges retrouveront leur liberté dans l’évaluation du montant des dommages et intérêts accordés au salarié, sous réserve des minimas d’ores et déjà fixés par la loi à 6 ou 12 mois de salaires.
Cette exception s’appliquera aux hypothèses suivantes :
- harcèlement sexuel et moral ;
- licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle homme-femme ;
- témoignage pour corruption ;
- violation du droit de grève ;
- violation de l’exercice d’un mandat de salarié protégé ;
- violation de la protection contre le licenciement dont bénéficient les salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ou encore les femmes enceintes ;
- atteinte à une liberté fondamentale
- Les critiques portées devant le Conseil constitutionnel
Plusieurs syndicats de salariés, d’avocats et de magistrats ont dénoncé cette mesure.
La première critique est que ces plafonds constituent une atteinte au principe fondamental en droit français de la réparation intégrale du préjudice ; le montant des dommages et intérêts n’étant plus fonction du préjudice réellement subi par le salarié (fondé sur différents critères comme l’ancienneté, la perte de revenus, les conditions d’éviction, l’âge, les difficultés pour retrouver un emploi) mais défini uniquement au regard de son ancienneté et de l’effectif de la société.
Le Conseil constitutionnel devra juger si le plafonnement de ces indemnité et l’atteinte portée au principe de la réparation intégrale du préjudice (qui existe dans d’autres domaines comme en matière de responsabilité des transporteurs) est proportionné au but recherché par le gouvernement à savoir la réduction de l’insécurité juridique lié aux décisions prud’homales.
La seconde critique porte sur la rupture d’égalité entre les salariés des toutes petites entreprises qui seront moins indemnisés que ceux des grands groupes alors que le préjudice du salarié ne dépend pas de la taille de l’entreprise qui le licencie abusivement.
- L’incohérence de la mesure
Sous couvert de prévisibilité des décisions prud’homales donc de défiance à l’égard des juridictions concernées, le but recherché par le gouvernement est de permettre aux entreprises de provisionner le coût des ruptures de contrat de travail dès l’embauche pour faciliter la flexibilité.
Au lieu de s’attacher aux conséquences de la violation de la loi par l’employeur en limitant le coût des licenciements abusifs, il aurait été plus efficace de réformer le droit du licenciement lui-même et de limiter les cas de licenciement abusif.
Published by Nicolas Fanget