La réforme était très attendue par les joueurs et une majorité de clubs, en particulier les plus modestes.
On observe depuis plusieurs années une tendance à la multiplication des
opérations de prêt par les “gros” clubs européens, utilisant le système actuel comme un moyen de spéculation relativement ingénieux. Quelques exemples en attestent avec
Chelsea, qui prête actuellement
Michy Batshuayi pour la 5e fois, Manchester City et ses 12 joueurs en prêt, ou encore la Fiorentina et l’Atalanta Bergame, l’Italie étant le pays comptant le plus de joueurs prêtés par ses clubs cette saison, selon le site
Transfermarkt.
Ce système a été tellement critiqué qu’un mouvement de joueurs et de clubs en demandait sa suppression, considérant qu’il a été “
détourné”, selon le coprésident de
l’UNFP Sylvain Kastendeuch, et qu’il portait une atteinte grave à la
stabilité contractuelle des joueurs, constamment mutés à droite et à gauche. Les clubs les plus aisés profitent ainsi de leur position dominante pour “vider” le marché et accumuler un maximum de joueurs dans l’optique de les prêter, en attendant une augmentation de leur valeur marchande. Une action en justice contre la FIFA avait même été intentée devant la Commission européenne en 2015 par la
FIFPro, qui dénonçait un système «
anti-concurrentiel, injustifié et illégal ».
La
FIFA a changé la donne à travers un projet de réforme des prêts, proposée par sa
Commission des Acteurs du Football le jeudi 20 janvier 2022, avec pour objectifs de «
renforcer le développement des jeunes joueurs », «
améliorer l'équilibre compétitif » et «
empêcher l’accumulation excessive de joueurs sous contrat ». L’idée de ce texte est ainsi de rebattre les cartes sur le marché des transferts et de garantir un nouvel équilibre sportif entre les clubs.
La réforme, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2022, se compose alors de plusieurs mesures fortes, notamment :
- Une limitation des prêts et des emprunts fixée à 8 joueurs pour la saison 2022/2023. Ces quotas descendront à 7 à compter du 1er juillet 2023, puis à 6 à partir du 1er juillet 2024.
- Une interdiction de “sous-prêter” les joueurs.
- Une durée minimum des prêts fixée à la durée comprise entre deux périodes d’enregistrement. Les prêts de six mois entre le mercato d’hiver et le mercato d’été seraient donc toujours envisageables.
- Une durée maximum des prêts fixée à une année civile. Les prêts de 2 ans, comme ont pu en bénéficier cette saison Brahim Diaz au Milan AC ou Alexander Nübel à l’AS Monaco, seraient désormais interdits.
- Une limitation des joueurs prêtés et empruntés entre deux clubs spécifiques fixée à 3. Cette disposition vise directement à mettre fin à la montée en puissance des clubs “satellites”, comme ceux constitués dans des championnats plus faibles par Manchester City, Chelsea ou encore l’AS Monaco.
Les fédérations nationales auront 3 ans pour mettre en conformité leurs règlements par rapport à ces nouvelles dispositions, qui attendent toujours leur validation lors d’une prochaine séance du Conseil de la FIFA, avant sa probable insertion au sein du
Règlement du Statut et du Transfert du Joueur.
L
’article 266 de la Charte du Football Professionnel aura été un précurseur. Il prévoit déjà au niveau national une limitation à 5 joueurs empruntés et à 7 joueurs prêtés entre clubs professionnels, dont 2 au maximum au sein d’un même club.
Il est certain que ces nouvelles règles permettront à coup sûr de rééquilibrer les effectifs d’un point de vue quantitatif. Donc, terminé les clubs à 50 joueurs professionnels, dont presque la moitié sont partis en prêt. Mais d’un point de vue qualitatif, ce nouveau régime aura pour effet de garantir une meilleure stabilité contractuelle et sportive des joueurs, en bannissant le recours abusif aux prêts, qui n’a pour objectif que de faire augmenter la valeur marchande des joueurs, plutôt que de les faire évoluer sereinement.
Cette réforme, théoriquement bénéfique pour mettre un terme aux pratiques excessives des “gros” clubs prêteurs, aura cependant dû inclure une mesure à leur avantage pour qu’elle puisse emporter leur approbation lors des débats. Ce compromis réside dans le champ d’application de cette réforme, puisque «
les joueurs âgés de 21 ans ou moins et les joueurs formés au club ne seront pas concernés par ces limitations ».
D’un côté, il est vrai que cette exclusion des jeunes joueurs du champ d’application de ces nouvelles limitations leur permettrait de continuer à acquérir temporairement du temps de jeu dans un autre club, au cas où la marche est encore trop haute pour accéder en équipe première du club formateur. Mais de l’autre, on peut s’inquiéter du fait que les jeunes joueurs restent donc toujours aussi vulnérables aux traditionnelles manœuvres spéculatives opérées par leurs clubs formateurs, quitte à les considérer de plus en plus comme des actifs financiers.
Mais à l’heure où les clubs sortent tout juste d’une crise sanitaire ayant engendré une baisse considérable de leurs recettes et ainsi une limitation de leurs moyens pour renforcer leurs effectifs, la légitimité de cette réforme peut poser question. Était-ce vraiment le bon moment pour enclencher une réforme inhibant probablement le seul moyen pour les clubs « outsiders » de rester un minimum compétitifs sans dépenser des sommes considérables en mutations définitives ? Peut-être que oui, étant donné que la FIFA souhaite, avec ces nouvelles mesures, poursuivre sa refonte complète du marché des transferts dans les années à venir, et qui passera par d’autres changements, à l’instar de la possible mise en place de «
salary caps ».
Une chose est sûre : si les joueurs et les clubs peuvent tout de même observer plusieurs avantages non négligeables, les agents sportifs semblent, quant à eux, être les grands perdants de ce nouveau régime, avec un nombre d’opérations qui sera inévitablement plus réduit en raison de ces modifications réglementaires.