Pendant que
Kylian Mbappé affole les compteurs et que Marseille bat Paris dans un Vélodrome incandescent, une autre réalité se joue en coulisses : les audiences sont en chute libre, les abonnements stagnent, et les revenus télévisés fondent comme neige au soleil.
La faute à quoi ? Pas au spectacle sur le terrain.
Mais à ce qui se passe — ou plutôt ne se passe pas — en dehors du rectangle vert.
Bienvenue dans l’ère du football moderne : un sport devenu produit média, où la rentabilité dépend autant de la qualité du jeu que de la stratégie numérique qui l'entoure.
Du beau jeu... mais peu de visibilité Prenons la Ligue 1. Sportivement, elle n’a jamais été aussi riche en talents : Mbappé, Lacazette, Ben Yedder, Terrier... Les stades se remplissent, les jeunes émergent, et certains clubs brillent en Europe.
Et pourtant, en octobre 2024, DAZN — nouveau diffuseur principal du championnat — tire la sonnette d’alarme. À peine 100 000 abonnés en France, là où les prévisions tablaient sur 1,5 million. Les fans ne suivent pas.
Pourquoi ? Parce que le produit "Ligue 1" ne vit pas hors des matchs :
• Peu de contenus adaptés aux réseaux sociaux ;
• Aucune série immersive comme All or Nothing (Amazon) ou Drive to Survive (Netflix) ;
• Peu de clips courts, d’interviews backstage ou de formats verticaux ;
• Et une communication digitale trop classique, trop lente, trop déconnectée des habitudes des jeunes fans.
Pendant ce temps, la Premier League s’impose partout : elle inonde TikTok, sort des mini-docs sur YouTube, et vend son spectacle au monde entier, même au Bangladesh ou à Chicago.
Le football est devenu un média global Les grands clubs l’ont compris : il ne suffit plus de jouer, il faut raconter.
Manchester City, Arsenal ou le Real Madrid ne sont pas que des équipes, ce sont des machines à contenu. Stories, vlogs, docu-séries, podcasts, formats courts ou immersifs… tout est bon pour créer un lien quotidien avec les fans.
L’objectif ? Rendre le fan actif, engagé, fidèle. Et surtout, transformer son attention en revenu : via l’abonnement, le merchandising, ou la pub.
Même les joueurs jouent le jeu : Erling Haaland est omniprésent sur TikTok, Vinicius Jr alimente son compte YouTube, et Cristiano Ronaldo — avec ses 600M+ d’abonnés sur Instagram — est devenu une entreprise médiatique à lui tout seul.
La lutte contre le piratage : le parent pauvre du numérique Autre défi ignoré : le piratage.
En France, selon une étude Hadopi, près de 30 % des fans de foot regardent les matchs illégalement. Sur Telegram, des chaînes diffusent les affiches en haute qualité, gratuitement. Et la LFP peine à enrayer le phénomène.
DAZN a d’ailleurs accusé la Ligue de ne pas faire assez pour protéger son investissement. Un contenu aussi piraté perd vite sa valeur. Résultat : les diffuseurs hésitent à s’engager sur le long terme, et les revenus des clubs s’effondrent.
De nouvelles attentes, de nouveaux formats Le public a changé. Il ne veut plus seulement regarder un match. Il veut :
• Comprendre les coulisses (comment on prépare un match, une tactique) ;
• Voir les joueurs dans leur quotidien ;
• Partager et commenter en direct sur Twitch ou Discord ;
• Revivre les actions en 30 secondes sur mobile.
Des formats comme Matchday (Barça), Inside PSG ou Prime Video Stadium en Allemagne cartonnent. Pourquoi pas plus d’initiatives du genre en Ligue 1 ?
Ce qu’il faut retenir : 1. Le spectacle sportif seul ne suffit plus : il doit être mis en scène, amplifié, exporté.
2. Le numérique est un levier économique majeur : sans stratégie digitale, pas de croissance.
3. Les fans ne sont plus passifs : ils veulent du contenu, de l’interaction, du direct.
4. La concurrence est mondiale : chaque contenu compte, chaque seconde d’attention aussi.
Conclusion : une révolution silencieuse Le
football français a souvent pensé que la technique et le talent suffisaient. Ce n’est plus vrai. Aujourd’hui, la vraie bataille se joue dans les bureaux, chez les
créateurs de contenu, les codeurs, les community managers, les storytellers.
Un championnat sans
stratégie digitale, c’est comme une
équipe sans coach : désorganisée, vulnérable, et condamnée à perdre.
Philippe Veber - Veber Avocats - Avocats droit du sport et des sportifs - Lyon - Parishttps://veberavocats.com/fr/contactez-nous/