Instruction interministérielle : précision des modalités d’application du décret du 1
er aout 2018 relatif à l’exploitation commerciale de l’image, du nom et de la voix des sportifs et entraineurs professionnels
Le 2 juillet 2019, une instruction ministérielle est parue, annonçant les principales nouveautés en matière de traitement des rémunérations du sportif et de l’entraîneur liées à l’exploitation de leur image
[1].
Rappel
Comme nous l’avions évoqué précédemment
[2], la loi « Braillard » du 15 février 2017 relative à l’éthique, la transparence et la compétitivité du sport professionnel français avait consacré la faculté nouvelle pour les clubs de rémunérer leurs joueurs et entraîneurs du fait de l’exploitation de leur image, de leur nom ou de leur voix.
Son article 17, qui consacrait un véritable droit à l’image individuelle des sportifs et entraîneurs professionnels, avait fait l’objet d’un décret d’application paru le 1
er aout 2018.
Depuis, les associations et les sociétés sportives ont la faculté de rémunérer les sportifs et entraineurs professionnels sous forme de redevance, ces rémunérations n’étant pas soumises aux cotisations sociales au titre de l’exploitation commerciale des éléments de leur personnalité et ce, sous certaines conditions cumulatives :
- L’exploitation doit intervenir hors présence physique de l’intéressé
- La somme versée ne doit pas être déterminée en fonction du salaire de l’intéressé mais en fonction des recettes générées par l’exploitation
Parution de l’instruction interministérielle
Le 2 juillet 2019 est parue une instruction interministérielle précisant les modalités d’application du décret n°2018-691 du 1
er aout 2018 relatif à l’exploitation commerciale de l’image, du nom et de la voix des sportifs et entraîneurs professionnels.
L’instruction vient définir la redevance versée au sportif ou l’entraîneur professionnel (visée à l’article L.222-2-10-1 du Code du sport) comme la rémunération versée à l’occasion de l’exploitation individuelle de son image, de son nom ou de sa voix par l’association ou la société sportive.
Il s’agit d’un contrat relatif à l’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou d’un entraîneur professionnel employé par une association ou une société sportive indépendant du contrat de travail de ce sportif et de cet entraîneur avec l’association ou la société sportive
L’instruction interministérielle du 2 juillet 2019 fixe les modalités suivantes :
- L’assiette éligible de la redevance
- La part de redevance
- Les modalités temporelles du versement de redevance
- Le régime social des redevances et avances sur redevances
- La mise en corrélation de la durée du CDD et du contrat d’image
- L’assiette éligible de la redevance
Le décret du 1
er aout 2018 prévoyait cette assiette, mais l’instruction est venue définir de manière précise les catégories de recettes susceptibles de donner lieu au versement de la redevance.
L’instruction rappelle que les recettes tirées de contrats qui ne prévoiraient pas expressément l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou entraîneur professionnel ne peuvent pas être incluses dans l’assiette des recettes pouvant être reversées sous forme de redevances aux sportifs ou entraîneurs professionnels.
Elle précise que ces recettes sont :
- 1° Les recettes tirées des contrats de parrainage au travers desquels l’association ou la société sportive peut exploiter individuellement l’image, le nom ou la voix d’au moins un sportif ou entraîneur professionnel, notamment sur des supports publicitaires ou de communication et sur tout type d’équipements ou tenues des sportifs et entraîneurs professionnels de l’association ou de la société sportive.
- 2° Les recettes tirées des contrats de commercialisation des produits dérivés au travers desquels l’association ou la société sportive peut exploiter individuellement l’image, le nom ou la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel.
L’instruction précise que l’article D. 222-50 du Code du sport exclut de ces catégories de recettes celles tirées de la cession des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives définis aux articles L. 333-1 et suivants du Code du sport, celles tirées de la cession des titres d’accès à une compétition ou manifestation sportive, ainsi que les subventions publiques prévues à l’article L. 113-2 du Code du sport pour des missions d’intérêt général, qui font notamment l’objet de conventions entre les collectivités territoriales et les associations ou sociétés sportives.
Des exceptions sont prévues :
Peut entrer dans la catégorie mentionnée au 1°, la valorisation comptable des matériels fournis dans le cadre de contrats de parrainage à l’association ou la société sportive à condition que cette fourniture ait lieu en contrepartie de l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou entraîneur professionnel, et que le contrat de parrainage prévoit expressément que les matériels fournis deviennent propriétés de l’association ou de la société sportive.
Peuvent entrer dans les catégories mentionnées aux 1° et 2°, les recettes qui ne sont pas générées directement par l’association ou la société sportive mais par des sociétés créées à cet effet par l’association ou la société sportive ou par des sociétés auxquelles l’association ou la société sportive a concédé expressément le droit d’exploiter commercialement l’image, le nom ou la voix d’un sportif ou entraîneur qu’elle emploie et avec qui elle a conclu un contrat relatif à l’exploitation individuelle de son image, nom ou voix.
Enfin, sont retenues au titre du versement d’une redevance pour l’exercice N les recettes générées au titre du même exercice.
- La part de redevance
- Le montant des recettes pouvant donner lieu au versement de redevances aux sportifs et entraîneurs professionnels d’une association ou société sportive
Les recettes pouvant donner lieu au versement de redevances correspondent au montant total des redevances à répartir entre les sportifs et entraîneurs en fonction de leurs droits individuels.
Le contrat identifie la part des recettes générées correspondant à l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix des sportifs et entraîneurs professionnels de l’association ou la société sportive. C’est cette part des recettes qui doit donner lieu au versement des redevances aux sportifs ou entraîneurs professionnels.
L’instruction illustre ces propos avec deux exemples :
- Le contrat de parrainage entre un sponsor et une association sportive établit, au vu de la nature des recettes et de l’exploitation qui sera faite de l’image des sportifs ou entraîneurs d’une association sportive, que 60% des sommes versées par le sponsor à cette association correspondent à la contrepartie de l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou entraîneur professionnel employé par l’association sportive, les 40% restant ne correspondant pas à l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou entraîneur de l’association sportive.
Le contrat génère
100 000 euros de recettes au total pour l’association sportive.
L’association sportive répartit
60 000 euros correspondant aux redevances dues aux joueurs et entraîneurs professionnels dont l’image, le nom ou la voix ont été exploités individuellement par le sponsor de l’association sportive.
- Le contrat de commercialisation des produits dérivés entre une société commerciale et une société sportive établit, au vu de la nature des recettes et de l’exploitation qui sera faite de l’image des sportifs d’une société sportive, que 100% des sommes versées par la société commerciale à cette société sportive correspond à la contrepartie de l’exploitation individuelle de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif professionnel employé par la société sportive.
Le contrat génère
100 000 euros de recettes au total pour la société sportive.
La société sportive répartit la
totalité de ces recettes uniquement entre les joueurs professionnels dont l’image, la voix ou le nom ont été exploités individuellement.
- Les critères à prendre en compte pour le calcul de la redevance versée à chaque sportif ou entraîneur professionnel
L’article L.222-2-10-1 du Code du sport prévoit que chaque contrat d’exploitation commerciale, liant l’association ou la société sportive au contrat ou entraîneur professionnel doit préciser, à peine de nullité :
- L’étendue de l’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel, notamment la durée, l’objet, le contexte, les supports et la zone géographique de cette exploitation commerciale ;
- Les modalités de calcul de la redevance versée à ce titre en fonction des recettes générées par cette exploitation commerciale ;
- Le plafond de la redevance susceptible d’être versée au sportif ou à l’entraîneur professionnel par rapport à sa rémunération totale ainsi que la rémunération minimale prévue au contrat de travail au-delà de laquelle le contrat mentionné à l’article L.222-2-10-1 peut être conclu par le sportif ou l’entraîneur professionnel.
Le plafond et le plancher sont fixés, à un niveau raisonnable, par convention ou accord collectif national par discipline sportive. Ils peuvent être différents au sein de chaque discipline pour le sportif et l’entraîneur professionnel.
L’association ou la société sportive établit une clef de répartition individuelle des sommes consacrées à la redevance entre le sportif et l’entraineur professionnel dont l’image, le nom ou la voix serait exploité individuellement.
Cette clef de répartition individuelle, qui ne peut tenir compte du salaire reçu dans le cadre du contrat de travail, est établie à partir de critères objectifs qui peuvent être notamment (liste non exhaustive) :
- Le montant des recettes de commercialisation des produits dérivés comportant l’image, le nom ou la voix du sportif ou de l’entraîneur et notamment celles associées aux maillots floqués au nom du joueur ou tout autre produit individualisable ;
- Le montant des recettes des contrats de parrainage au travers desquels l’association ou la société sportive exploite individuellement l’image, le nom ou la voix du sportif ou entraîneur professionnel, notamment sur des supports publicitaires ou sur des équipements et tenues du sportif ou de l’entraîneur ;
- La présence du nombre de sélections nationales au titre de l’année N ;
- Le nombre d’années d’évolution pour un sportif ou entraîneur en championnat professionnel ;
- L’ancienneté du sportif ou de l’entraîneur au sein de l’association ou la société sportive ;
- Les indicateurs des réseaux sociaux pour évaluer la notoriété du sportif ;
- Les périodes d’activité en sélection nationale en tant qu’entraîneur ;
- Les titres ou qualifications obtenues par le sportif ou par l’entraîneur.
- Les modalités temporelles de versement de la redevance
L’instruction demeure relativement souple s’agissant des modalités de versement de la redevance.
En effet,
la redevance due au sportif ou à l’entraîneur
peut être versée en plusieurs fois selon une fréquence déterminée par le contrat en fonction des recettes générées par l’exploitation commerciale de leur image, nom ou voix.
De plus,
cette redevance peut être versée de manière anticipée, après satisfaction de plusieurs critères cumulatifs :
- L’avance doit être fixée selon des perspectives d’exploitation de l’image, du nom ou de la voix qui ne soient pas disproportionnées avec les recettes prévisibles à partir des contrats de partenariat ou de commercialisation de produits dérivés.
- Le contrat doit conduire à ce que, lorsque le montant des avances versées au cours d’une année dépasse le montant effectif de la redevance, l’excédent perçu doit être réintégré dans le salaire et être assujetti à ce titre aux cotisations et contributions de sécurité sociale de droit commun.
- Le contrat doit conduire à ce que, lorsque le montant des avances versées au cours d’une année est inférieur au montant effectif de la redevance, l’association ou la société sportive verse un complément correspondant à la différence entre la somme perçue et le montant effectif.
- Le régime social des redevances et avances sur redevances
- Lorsque le sportif ou l’entraîneur professionnel réside fiscalement en France
Les redevances et avances sur redevances versées aux joueurs ou aux entraîneurs professionnels sont assujetties à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine mentionnés ci-dessous :
- La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine au taux de 9,2% ;
- La contribution pour le remboursement de la dette sociale sur les revenus du patrimoine au taux de 0,5% ;
- Le prélèvement de solidarité au taux de 7,5%.
L’assiette à prendre en compte pour le calcul de ces contributions correspond au montant brut des redevances versées.
L’association ou la société sportive versant les redevances indique au sportif ou à l’entraîneur professionnel, pour le calcul de son impôt sur le revenu, la part de CSG déductible du revenu imposable. Ce montant est à mentionner à la rubrique correspondante de la déclaration d’impôt (à hauteur de 6,8%).
- Lorsque le sportif ou l’entraîneur professionnel réside fiscalement à l’étranger mais demeure affilié à un régime de sécurité sociale en France
L’assujettissement à la cotisation maladie, maternité, invalidité et décès prévue à l’article L.131-9 du Code de la sécurité sociale s’applique.
Cette cotisation est assise sur le montant brut des redevances versées et est fixée au taux de 18,50%.
- Durée des contrats relatifs à l’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel
L’article L.222-2-10-1 du Code du sport dispose que le contrat relatif à l’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix d’un sportif ou entraîneur professionnel est conclu entre une association ou société sportive et le sportif ou l’entraîneur qu’elle emploie.
Ainsi, la fin du contrat de travail entraîne la fin du contrat susvisé.
L’instruction précise qu’en cas de mutations temporaires d’un joueur, l’exécution du contrat relatif à l’exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix et le versement de sa redevance sont suspendus à l’instar de celle de son contrat de travail.
Nicolas Bondil et Philippe Veber
[1] http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2019/07/cir_44792.pdf[2] Article du 17 septembre 2018 :
https://veberavocats.com/blog/lexploitation-de-limage-des-sportifs/