Etonnamment, la pornographie en accès libre sur les réseaux sociaux n'est pas la cible privilégiée des écoféministes. Elle sert pourtant de base à l'éducation sexuelle du grande majorité d'enfants et d'adolescents en véhiculant de la violence et l'idéalisation d'un consentement tronqué.
Heureusement, au mois de septembre le Conseil d’État a présenté son étude annuelle 2022. L’étude intitulée «
les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » comporte plusieurs propositions pour rendre le pouvoir aux utilisateurs mais aussi d’accompagner l’état dans son rôle de régulation.
Le conseil d’État n’est pas tombé dans le piège habituel en s’inquiétant des mauvais usages des réseaux sociaux.
En effet, l’idée, explique le vice-président Didier Roland-Tabuteau est de rapprocher internet de la vie réelle. Martine de Boisdeffre présidente de la section du rapport et des études appuie sur la liberté d’expression et insiste bien sur les pseudonymes. Un pseudo sur internet peut servir de couverture à certains individus malveillants mais il protège aussi les utilisateurs (ex : les collectes excessives de données personnelles).
En 1971, sept ans avant la loi informatique et libertés, le Conseil d’État publiera son premier rapport. En 1998 un deuxième sur Internet et les réseaux sociaux puis en 2014 un nouveau sur le numérique et les droits fondamentaux. En 2017 le Conseil d’État présente un nouveau rapport sur la puissance publique et du numérique et enfin celui du mois d’août 2022 sur l’Intelligence artificielle.
Le Conseil d’État estime qu’il existe des solutions qui seront plus protectrices des libertés mais surtout plus efficaces. Comme par exemple le double tiers de confiance. Cette solution préconisée par le PEReN (centre d’expertise en science des données installé à Bercy) a été conçu pour gérer la question sur la protection des mineurs et donc bien entendu la vérification de l’âge de l’internaute.
Ce système aurait également pour but d’identifier les auteurs de délits.
Le double tiers permettrait donc de vérifier dans un premier temps l’identité et l’âge de l’internaute. Puis dans un second tiers, transmettre l’information vérifiée au site en question. Ce qui permettrait à l’internaute d’avoir sa vie privée préservée puisque les informations sont cloisonnées.
Le régime juridique des réseaux sociaux est déjà « un millefeuille » où se superposent le droit des plateformes, le droit du commerce électronique, la protection des données, le droit à la liberté d’expression, le droit pénale, etc…
Comprenant que les réseaux sociaux peuvent véhiculer le meilleur mais aussi le pire, le Conseil d’État a donc mis en place ses 17 propositions dans un esprit d’équilibre entre deux dangers. Les deux dangers étant une immersion trop profonde dans la liberté d’expression qui pourrait s’apparenter à de la censure et un laisser-faire dont la tranquillité publique ne saurait s’accommoder.
L’ambition est simple, apporter un usage raisonné des réseaux sociaux.
Les enjeux sont multiples et la tâche est donc d’autant plus complexe. C’est pour cela que la réflexion du Conseil d’État a été bâti autour de trois objectifs. Le premier rendre le contrôle aux internautes, le second accompagner la puissance publique dans son rôle de régulateur mais aussi d’utilisatrice des réseaux et pour finir identifier les principales questions qui vont se poser dans l’avenir.
Les auteurs de l’étude se concentrent surtout sur la relation contractuelle entre l’internaute et les réseaux sociaux.
Un autre défi important est de renforcer la sécurité des échanges mais surtout de la protection des mineurs. De nos jours, 44% des 11-18 ans avouent avoir déjà menti sur leur âge pour pouvoir aller sur les réseaux sociaux. Or demander aux internautes de donner un document d’identité est une vraie difficulté au regard des données personnelles. En revanche, le Conseil d’État aperçoit une piste intéressante dans le recours au double tiers de confiance évoqué plus haut.
Un des défis est de favoriser l’appropriation de l’outil par les individus. Ce qui passerait par exemple par la création d’un guichet unique de signalements pour centraliser ceux-ci et guider l’utilisateur dans la complexité des qualifications juridiques et autorités compétentes.
Les auteurs de l’étude ont remarqué que de nombreux régulateurs sont compétents sur les réseaux comme l’ARCOM, la CNIL, l’ARCEP, la DGCCRF. Ils préconisent donc en France la structuration d’une coordination nationale et à Bruxelles la création d’un comité transversal des régulateurs. Le Conseil juge qu’il est nécessaire de renforcer les moyens de l’État puisqu’aujourd’hui 50 agents de la plateforme Pharos traitent environ 300 000 de signalements par an.
Le Conseil d’État invite les pouvoirs publics à mettre en place un plan d’action mais surtout de créer un service interministériel du numérique, il est aussi favorable au développement du recours aux réseaux externes et internes, toujours par les pouvoirs publics eux-mêmes.
La troisième partie de l’étude a pour but de lister les dossiers sensibles qui sont à surveiller dans l’avenir avec la rapidité de l’évolution. Ces dossiers à surveiller sont la sobriété numérique, publicité ciblée ou encore la régulation des messageries privées.
Les auteurs considèrent qu’une négociation internationale est nécessaire sur le sort des droits fondamentaux, et surtout l’interdiction du ciblage, ou encore le droit à la mort numérique.