Guy Novès a signé un contrat de travail à durée déterminée (CDD) d’usage avec la Fédération Française de Rugby le 15 juillet 2015. Ce contrat prévoyait deux parties : une première partie en tant que Conseiller du président jusqu’au 31 octobre 2015. Une deuxième partie comme manager – sélectionneur du XV de France de rugby du 1
er novembre 2015 au terme prévu du contrat fixé au 31 décembre 2019. De plus, un avenant signé par les parties le 16 décembre 2015 définissait les obligations professionnelles du demandeur. Ce dernier a été licencié, sans entretien préalable, pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2017, reçue le 27 décembre 2017.
En contestation cette rupture anticipée de son contrat de travail, Guy Novès a saisi le Conseil de prud’hommes de Toulouse par requête en date du 11 janvier 2018 afin d’obtenir réparation du préjudice subi résultant de :
- Une rupture abusive de son contrat de travail
- Une indemnité de précarité
- Une irrégularité de la procédure
- L’existence d’un harcèlement moral
- L’utilisation d’un véhicule de fonction
- L’existence d’un travail dissimulé
La FFR quant à elle, sollicite la requalification du CDD en CDI et rejette les demandes de M. Guy Novès.
Le Conseil de prud’hommes de Toulouse, dans une décision du 9 avril 2019, déboute partiellement M. Novès de ses prétentions mais condamne la FFR à lui verser un million huit mille euros au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
Sur la nature du contrat de travail Les juges rejettent la demande de la fédération consistant à requalifier le CDD en CDI.
En effet, ils constatent tout d’abord que le contrat de travail est conforme aux dispositions des articles L.1242-2 et D.1242-1 du Code du travail. Le sport professionnel étant un secteur d’activité particulier dans lequel des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois auxquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
S’agissant des deux parties du contrat, celles-ci sont conformes aux dispositions de l’article L. 1242-12 du Code du travail. Le Conseil indique que le contrat de travail doit être écrit et comporter une définition précise du motif, à savoir : engagement au poste de Conseiller du président puis Sélectionneur de l’équipe de France. En vertu du principe de liberté contractuelle, les parties demeurent libres de prévoir deux périodes distinctes dans leur contrat de travail conformément à l’article L.1221-1 du Code du travail.
Par ailleurs, faute de preuve, les juges écartent la fraude alléguée par la FFR selon laquelle un seul contrat avec deux périodes d’activité constituerait une irrégularité voire une situation illicite.
Sur la faute grave Le Conseil de prud’hommes condamne la FFR à verser à M. Guy Novès la somme de 700 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi à l’occasion de la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave, non prouvée, de son CDD. L’ancien sélectionneur est néanmoins débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, le Conseil estimant que cette dernière avait d’ores et déjà été réparée et qu’en surplus, le demandeur n’apporte aucune preuve à sa demande.
Les juges prudhommaux estiment que la FFR n’a pas rapporté de preuve suffisante des fautes de l’ancien sélectionneur qui auraient été contraires à l’intérêts de la fédération et des manquements du demandeur à ses obligations contractuelles. Selon eux, la faute de management retenue par la FFR n’est pas prouvée par des éléments dates et précis. De plus, le Conseil précise que n’est pas constitutif d’une faute grave :
- Ni l’altercation du 16 juin 2017 au moment de la tournée en Afrique du Sud qui a été réglée avant que les relations ne finissent par être totalement apaisée
- Ni les reproches relatifs aux contacts avec les clubs, qui sont contredits, notamment, par une réunion de tous les managers du top 14 organisée par le demandeur en juillet 2017.
Sur l’indemnité de précarité Le Conseil rappelle que l’article L. 1243-8 du Code du travail prévoit que « lorsque, à l’issue du CDD les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un CDI, le salarié doit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ».
Néanmoins, cette indemnité de précarité n’est pas due au titre des CDD d’usage comme le précise l’article L.1242-2 du Code du travail.
Par conséquent, M. Novès se voit logiquement débouté de sa demande en réparation au titre de l’indemnité de précarité, puisque son contrat n’ouvre pas droit à une telle indemnité.
Sur l’irrégularité de la procédure Le Conseil rejette également la demande de M. Novès retenant que si en l’absence de convocation, le demandeur n’a pu se faire assister par une personne de son choix et n’a pu s’expliquer avec sa fédération lors de son audition, ce dernier ne prouve pas de dommage spécifique causé par la faute de la FFR.
Sur les préjudices de notoriété, les circonstances vexatoires et le préjudice moral Le Conseil fixe le montant des dommages et intérets dus par la FRR au demandeur à :
- 90 000 euros au titre de l’atteinte à sa notoriété
- 60 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture étant donné la manière préméditée et assumée avec laquelle la FFR a agi
- 30 000 euros en réparation du préjudice moral, le passage contraint et brutal d’une pleine activité à la retraite sans préparation « peut constituer un préjudice moral » selon le Conseil.
Toutes les autres demandes (harcèlement moral, mise à disposition d’un véhicule, travail dissimulé) sont rejetées.
A priori, aucune partie ne devrait interjeter appel de cette décision, l’avocat de chacune des parties ayant exprimé sa satisfaction à l’annonce du verdict.