Le 1
er août 2009, l’association Roche Vendée Basket Club a engagé une salariée en qualité de joueuse dans le cadre d’un CDD d’usage courant pour une saison. Sept contrats de même nature ont été successivement conclus à l’occasion des saisons suivantes, dont le dernier du 30 juin 2016 à effet du 1
er septembre 2016 jusqu’au 31 mai 2017 pour la saison 2016/2017. Le dernier contrat a été suspendu par l’effet d’un arrêt maladie de la salariée, Mme X, à compter du 11 mai 2017. Par la suite, Mme X a quitté le club le 31 mai 2017, date contractuelle du terme du dernier CDD d’usage.
Le 21 juillet 2017, la joueuse a saisi le Conseil de Prud’hommes de La Roche-sur-Yon pour demander la requalification des CDD d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1
er septembre 2009 et de constater la nullité de la rupture de son contrat de travail en raison de la suspension pour arrêt maladie.
Par jugement en date du 18 décembre 2017, le Conseil de Prud’hommes de la Roche-sur-Yon a jugé que la demande de requalification des divers CDD d’usage conclus avant le 20 juillet 2015 était prescrite en application de l’article L.1471-1 du Code du travail. Cependant, les juges ont prononcé la requalification du CDD signé le 30 juin 2016 en CDI et, par conséquent, ont estimé que le licenciement de la joueuse salariée était nul, condamnant le club à lui verser des dommages et intérêts. Un appel a été interjeté par chacune des parties.
Dans un arrêt du 19 septembre 2019, la Cour d’appel de Poitiers confirme le jugement s’agissant de la prescription et de la requalification du CDD, mais l’infirme s’agissant de la rupture du contrat de travail.
S’agissant de la prescription Les juges rappellent qu’en vertu de l’article L.1471-1 du Code du travail, « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Il s’ensuit que le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI, fondée sur l’absence d’une mention au contrat (en l’espèce, l’absence de définition précise du motif de recours au CDD visée à l’article L. 1242-12 du Code du travail), susceptible d’entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat
[2].
En l’espèce, la joueuse a saisi la juridiction prud’homale le 21 juillet 2017, estimant que dans la mesure où l’irrégularité commise au moment de la conclusion du contrat s’est répétée pendant neuf années consécutives, chaque irrégularité constituait un fait dommageable faisant courir un nouveau délai de prescription à l’encontre de l’association employeur.
Or, les juges ont estimé que son action était proscrite s’agissant des contrats litigieux qu’elle avait souscrit avant le 21 juillet 2015, peu important la succession des délais de prescription applicables sur la ladite période. En effet, la décision d’appel fait apparaître que la joueuse était en mesure, dès la date de la conclusion de chaque contrat, de connaître les irrégularités invoquées affectant chacun de ses CDD successifs.
S’agissant de la requalification du dernier CDD d’usage conclu La Cour relève que le dernier CDD était d’une durée de neuf mois et souligne qu’il a été conclu après l’entrée en vigueur de la loi du 27 novembre 2015, codifiée à l’article L. 222-2-4 du Code du sport. Par voie de conséquence, les juges ont considéré que le contrat en cause devait intégrer la disposition d’ordre public susvisée imposant une durée de douze mois définissant la saison sportive. L’association n’ayant pas respecté cette disposition qui s’imposait, la Cour confirme le jugement attaqué et prononce la requalification du CDD en CDI.
S’agissant de la rupture du contrat Du fait de la requalification du contrat en CDI, les juges réforment le premier jugement en ce qu’il avait prononcé la nullité du contrat en cause, et estiment que le licenciement de la joueuse salariée est sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, l’arrêt rappelle que la nullité de la rupture n’est encourue que si la salariée justifie qu’au jour de la cessation de son contrat de travail, son contrat était suspendu en raison d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, ce qu’elle ne fait pas. En effet, les juges relèvent que le 31 mai 2017, date du terme du CDD, la suspension du contrat en cours n’était pas imputable à l’accident de travail, ce qui conduit à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1226-9 du Code du travail.
Par conséquent, la Cour d’appel de Poitiers infirme le jugement en ce qu’il dit le licenciement de Mme X nul, et statuant à nouveau, déclare son licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la requalification du CDD en CDI.
CA Poitiers, 19 septembre 2019, n°18/00263[1][1] Texte intégral de la décision :
https://www.doctrine.fr/d/CA/Poitiers/2019/CC297BB4E9B2C23EEE8AE[2] La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 mai 2018, a jugé que le délai de l’action court à compter de la conclusion du contrat litigieux :
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_sociale_3168/2018_8506/mai_8749/665_3_39882.html