Suite à un premier passage accéléré à l’Assemblée avec un recours à l’article 49-3 de la Constitution, cette réforme bénéficiera d’un nouveau passage en force lors de la deuxième lecture. Le texte devrait ainsi être adopté rapidement, avant une ultime navette par le Sénat puis une adoption définitive par l’Assemblée mi-juillet. Mais que contient maintenant cette réforme aux 300 articles qui n’a cessé d’évoluer depuis des mois concernant le droit des sociétés ? Retour sur quelques points phares avant une prochaine analyse du texte qui sera définitivement promulgué.
Préambule : rappel de la chronologie : - Communication¸ le 15 octobre 2014 : Présentation en Conseil des ministres par Emmanuel Macron d’une communication relative au projet de loi pour la croissance et l'activité.
- Conseil des ministres, le 10 décembre 2014 : Le projet de loi pour la croissance et l'activité est présenté en Conseil des ministres.
- Assemblée nationale, le 19 février 2015 : Rejet de la motion de censure déposée par l'opposition, à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur ce texte (article 49.3), entraine l'adoption du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale. L'examen en séance publique a eu lieu du lundi 26 janvier au dimanche 15 février, 5h50 du matin. Il aura duré au total 111h et 559 amendements ont été adoptés. Pour rappel, l’examen devant la commission spéciale avait duré 82h, et conduit à l’adoption de 495 amendements.
- Vote, le 12 mai 2015 : Le Sénat adopte le projet de loi en première lecture, à 185 voix contre 44.
- 2ème lecture, le 8 juin 2015 : La commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a examiné le texte en nouvelle lecture.
- Tout pour l’emploi, le 9 juin 2015 : A l'issue d'un conseil des ministres restreint, Manuel Valls annonce 18 mesures spécifiques destinées à lever les freins à l'embauche dans les TPE-PME. Les mesures suivantes vont être intégrées au projet de loi pour la croissance et l'activité : l'aménagement des Accords de maintien de l'Emploi (AME) ; l'instauration de plafonds - et de planchers - pour les indemnités prononcées par les conseils de prud'hommes pour réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse à un licenciement ; le renforcement des sanctions à l'encontre des entreprises qui contournent les règles du détachement ; et des mesures simplifiant la transmission des entreprises.
- Responsabilité, le 16 juin 2015 : Afin d' "avancer dans l’intérêt des Français", le Premier ministre engage, en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, la responsabilité du Gouvernement sur le vote en nouvelle lecture du projet de loi. Cette responsabilité est engagée sur le texte adopté par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale le 11 juin 2015. I. RETRAITES CHAPEAU & ACTIONS GRATUITES Concernant les « retraites chapeaux », le code de bonne conduite du Medef ne prévoit pas de sanctions concernant les « parachutes dorés » jugés exorbitants alors que l’opinion publique s’émeut des montants astronomiques négociés par certains grands patrons. C’est pourquoi la loi Macron a décidé d’encadrer davantage les « retraites chapeaux » des dirigeants mandataires sociaux. Une volonté des députés PS Laurent Grandguillaume et Razzy Hammadi de mettre un terme à des montants alloués aux anciens dirigeants jugés excessifs.
De plus, le contrôle passera par une « retraite chapeau » bien moindre lorsque l’entreprise connaîtra des difficultés, et les entreprises n’auront plus le droit d’attribuer d’office des années d’ancienneté fictives à un nouveau dirigeant.
L’octroi des parachutes sera fonction de la performance de l’entreprise, en limitant le rythme d’accumulation des droits (à 3% par an), ainsi qu’en interdisant le rachat de la retraite supplémentaire en cas d’arrivée d’un nouveau dirigeant (les « golden hello »). Les actions gratuites (AGA) constituent un mécanisme d'intéressement : une société attribue gratuitement de ses propres actions à tout ou partie de ses salariés et dirigeants. Un bonus, en somme, mais versé en actions, et dont le montant est égal à la valeur de l'action le jour où le bénéficiaire en devient propriétaire. Deux avantages :
- La plus ou moins-value de cession (différence entre le prix de vente des actions et leur valeur lors de leur attribution définitive) : imposée au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec la possibilité de bénéficier d’un abattement variable en fonction de la durée de détention des actions (50% pour une détention de 2 ans minimum) comme pour toutes PMV de cession. - Le gain d’acquisition, égal à la valeur des actions à la date de leur attribution définitive, intégralement soumis au barème progressif depuis 2012. Ce dispositif qui permet aux salariés de prendre part au capital de leur entreprise est actuellement trop faiblement mis en œuvre, notamment en raison de l’augmentation des cotisations patronales. Pour le favoriser : - La loi réduit le temps d'acquisition et de conservation des actions de 4 à 2 ans.
- De plus, elle aligne l'imposition des gains d’acquisition, lors de l'acquisition et de la cession, sur le régime des plus-values mobilières. Les salariés bénéficieront ainsi d'un abattement de 50% pour une durée de détention des actions de deux à huit ans, et de 65% au-delà. - Les cotisations patronales, actuellement de 30%, seront ramenées au niveau du forfait social, à 20%, et dues lors de l’acquisition définitive par le salarié (et non plus au moment du lancement du plan), avec une franchise de cotisations pour les PME n’ayant jamais versé de dividendes. - Du côté du salarié, l'acquisition et la cession seront soumises à un régime unique : plus de cotisations sociales et CSG-CRDS de 15,5% Fiscalité 2012 Fiscalité Loi Macron PMV cession Barème progressif IR + abattement variable en fonction de la durée de détention des actions (50% pour une détention de 2 ans minimum) Traitement fiscal commun aux PMV de cession.
Identique Gain d’acquisition
Avant 2012, ce gain n'était pas imposé au barème progressif, mais à un taux forfaitaire de 30%, augmenté des prélèvements sociaux : par rapport à un bonus (imposé au barème progressif), étaient donc avantagés les plus hauts salaires dont le taux marginal d'imposition était supérieur à 30%.
Depuis la réforme de 2012, le gain d'acquisition est intégralement soumis au barème progressif.
Traitement du gain d'acquisition comme une plus-value de cession en lui faisant bénéficier du même abattement pour durée de détention. Autrement dit, entre un taux forfaitaire favorisant les rémunérations les plus élevées et une imposition au barème progressif sans abattements, peu motivante pour les cadres supérieurs (rappelons que le taux marginal au barème progressif est de 45% hors prélèvements sociaux), le gouvernement a choisi une voie intermédiaire. La loi Macron allège donc les règles encadrant la distribution d'actions gratuites pour donner un coup de pouce aux start-up, au sein desquelles cette pratique est très répandue pour attirer et rémunérer les cadres. Cette réforme passe par une fiscalité beaucoup plus faible des actions gratuites et un coût moindre.
Le texte marque en effet un revirement du gouvernement, salué des entreprises et plus particulièrement du patronat par rapport au durcissement fiscal qui avait été décidé à l'été 2012 sur les actions gratuites et des stock-options. Depuis cette date, le recours à ces deux dispositifs avait largement chuté dans les entreprises. Le gouvernement n’a pas fait un cadeau aux entreprises mais a voulu rendre ce système durable.
Grâce à ce changement, le gouvernement espère mieux retenir les cadres dirigeants de certains grands groupes, qui ont tendance à délocaliser leurs bureaux et ceux de leurs équipes, à l'étranger. Fidéliser donc, mais aussi attirer de jeunes talents. C'est pourquoi les bons de souscription d'actions pour les créateurs d'entreprise (BSPCE) vont aussi être assouplis. Une demande forte de la part des créateurs de start-up notamment. II. AUTRES MESURES EN MATIERE DE PROCEDURES COLLECTIVES ET DE SOUTIEN DE L’ACTIVITE Afin de permettre la poursuite de l’activité des entreprises en difficultés et de sauvegarder le plus d’emplois possibles ont été adopté : - La nouvelle procédure de cession ou dilution forcée des actionnaires majoritaires, en d’autres termes, donner le pouvoir à la justice commerciale d’ordonner aux propriétaires d’une entreprise en difficulté (dans le cadre du redressement judiciaire) de céder leurs actions à des repreneurs présentant un plan crédible de sauvegarde de l’activité. Est également prévue la spécialisation d’un ensemble de tribunaux dans les grands dossiers d’entreprise en difficulté. - Les entreprises de moins de 50 salariés n’auront pas l’obligation de publier leur compte de résultat annuel (mais devront toujours publier leur bilan), ce qui évitera à la concurrence de connaitre les marges des PME française. Toutefois, le résultat demeurera accessible pour les investisseurs, apporteur de capitaux de l’entreprise. - En outre, les entrepreneurs individuels seront davantage protégés, en prévoyant désormais que leur résidence principale ne pourra plus être saisie par défaut en cas de faillite. - Les entreprises auront la possibilité de majorer de 40% le montant des amortissements qui viendront réduire leur base taxable (à condition d’investir entre avril 2015 et avril 2016). Censée être incitative, cette mesure ne jouera véritablement que pour les entreprises qui avaient déjà le projet d’investir et dont l’activité est suffisante pour motiver la dépense. III. LA REFORME DES PROFESSIONS REGLEMENTEES : Notaires, avocats, huissiers et commissaires priseurs. Les changements seront bien plus minimes qu’annoncés. La réforme va instaurer la liberté d’installation « contrôlée » pour les notaires, huissiers et commissaires priseurs, et une limite d’âge d’activité fixée à 70 ans pour les notaires.
La profession de commissaire de justice sera crée et rassemblera les professions de commissaire-priseur et huissier. En revanche a été supprimée la mesure qui prévoyait un statut d'avocat d'entreprise.
En outre, les avocats pourront désormais agir directement devant tous les tribunaux de grande instance (TGI) d’une cour d’appel, et non plus un seul TGI.
Sur les professions réglementées (administrateurs judiciaires, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers de justice, mandataires judiciaires et notaires), l'objectif du gouvernement est triple :
- faire baisser les tarifs en les rapprochant des coûts réels,
- ouvrir le capital des sociétés d’exercice libéral
- et instaurer une liberté d’installation encadrée pour augmenter notamment le nombre d’offices notariaux. Emmanuel Macron a accepté un compromis sur la fixation des tarifs des notaires : le « corridor tarifaire », qui devait permettre aux notaires de faire varier leur prix, au-delà d’un certain seuil, entre un tarif plancher et un tarif plafond, doit disparaître, mais les notaires pourront pratiquer des remises « partielles ». Les actes les plus simples resteraient soumis à un tarif fixe.
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