Le 29 janvier 2014

VEBER ASSOCIES Avocats fait jurisprudence sur le droit d’appel

VEBER ASSOCIES Avocats fait jurisprudence sur le droit d’appel
Les frais demandés lors des procédures d’appel dans les instances disciplinaires des fédérations sportives sont irréguliers : Cour administrative de Lyon, 26 décembre 2013, n°13LY00793 . La Cour administrative d’appel de Lyon vient de rappeler un point de droit essentiel pour les millions de licenciés sportifs et les dizaines de milliers d’associations sportives. En effet, les fédérations sportives agréées disposent d’un pouvoir disciplinaire qu’elles exercent sur leurs licenciés. Ce pouvoir a été reconnu comme appartenant aux prérogatives de puissance publiques dont elles sont dotées du fait de leur agrément par l’administration (CE, 22 nov. 1976, Fédération française de cyclisme : Rec. CE 1976, p. 513 ; AJDA 1977, p. 139, concl. Galabert, note Moderne). Il existe ainsi une déontologie sportive dont les contours sont d'autant plus flous que les textes qui servent de fondement aux poursuites sont nombreux et parfois peu précis (G. Mollion, Les fédérations sportives : le droit administratif à l'épreuve de groupements privés : LGDJ, Biblio. droit public, n° 246, 2005, p. 123). En raison de l’utilisation parfois abusive de ce pouvoir disciplinaire, le ministère chargé des sports a rendu obligatoire l’adoption d’un règlement disciplinaire type qui encadre assez fortement le pouvoir disciplinaire fédéral. Ce règlement figure à l'annexe I-6 du Code du sport et comprend 20 articles. Néanmoins, le respect de dispositions contenues dans le règlement disciplinaire type n’est pas forcément acquis comme le montre l’affaire suivante., Il y a à l’origine de cette affaire, une banale affaire de violence sur un terrain de football lors d’une rencontre amateur s’étant déroulée dans la banlieue lyonnaise. En effet, le 27 octobre 2009, un différent oppose deux joueurs appartenant respectivement aux clubs du Football Club Point du Jour à l’Association sportive de Soucieux, ce qui a conduit l’arbitre de la rencontre à mettre un terme au match avant la fin de la période réglementaire. En raison de ces agissements, deux joueurs et un dirigeant du club du Football Club Point du Jour sont sanctionnés (suspension à deux matchs fermes et une amende de 50 euros) le 17 octobre 2009 par la commission de discipline du District du Rhône de football. Cette même commission inflige le 26 octobre 2009, une perte d’un point au club et une amende de 50 euros. Les sportifs sanctionnés ont fait appel de cette décision devant la commission d’appel qui les 9 et 30 novembre 2009 va annuler la sanction prise contre un dirigeant (il y avait erreur sur la personne…) et sanctionner un autre dirigeant (quatre matchs de suspension et une amende de 50 euros). Le 22 mars 2010, la commission d’appel constatant un vice de procédure dans la décision qu’elle avait rendu (sur indication des avocats de sportifs…) prend une nouvelle décision confirmant les sanctions infligées aux joueurs et portant l’amende pour le Football Club Point du Jour à un montant de 100 euros augmentée d’une somme de 66 euros pour frais d’instruction.
Saisi en application du principe de la conciliation obligatoire avant la saisine d’un juge comme le prévoit l’article L 141-4 du code du sport, le conciliateur du Comité National Olympique et Sportif Français a rendu un premier avis le 22 mars 2010 en reconnaissant que les décisions prises par la commission d’appel en 2009 étaient entachées d’un vice de forme. Saisi à nouveau après la nouvelle décision du 22 mars 2010, le conciliateur déclare la nouvelle requête irrecevable. Les sportifs ont alors saisi le Tribunal administratif de Lyon qui, le 22 janvier 2013, a validé le principe des sanctions mais a annulé la décision de la commission d’appel en ce qu’elle met à la charge du Football Club Point du Jour une somme de 66 euros. C’est ce jugement que le District du Rhône de football a déféré à la Cour. Certainement pas pour le montant de la somme à percevoir mais pour le principe que cela posait par rapport au 4 de l’article 10 du règlement disciplinaire de la Fédération française de football, qui rend obligatoire le versement préalable d’une somme d’argent pour pouvoir faire appel d’une décision disciplinaire., Le règlement disciplinaire prévoit qu’il doit exister dans chaque fédération, au moins deux instances disciplinaires ; un de première instance et un d’appel. Les recours contre les décisions disciplinaires ne peuvent être portés devant le juge administratif qu'après épuisement des voies de recours interne (CE, 13 juin 1984, Assoc. Hand-ball club de Cysoing, Rec. CE 1984, p. 217). Toutefois, ces instances disciplinaires ne sont pas considérées comme des organes juridictionnels (CE, sect., 19 déc. 1980, Hechter : Rec., p. 488 ; Gaz. Pal. 1981, 2, p. 544, concl. Genevois). Aussi, l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne s'applique pas aux sanctions disciplinaires (CE, 5 mai 1995, Burruchaga; Rec. CE, p. 197 ; RFD adm. 1995, p. 728 ; Dr. adm. 1995, comm. n° 728). Il convient de préciser que pour les fédérations sportives les plus importantes, les commissions disciplinaires sont rattachés aux organes déconcentrés au niveau local afin d’accélérer et de faciliter la prise de décision. Pour le juge administratif, il s'agit d'organes déconcentrés (CE, 27 janv. 1997, n° 141182, Comité départemental du Vaucluse) au moins pour les fédérations délégataires. Les litiges qui opposent ces organismes à leurs membres relèvent ainsi de la compétence du tribunal administratif (CE, 26 sept. 2007, n° 285275, Assoc. sportive Maximoise). S’agissant des dispositions contestées, la plupart des règlements disciplinaires des fédérations sportives agréées comporte ce genre de disposition qui précise que le droit de faire appel est conditionné au versement d’une somme d’argent dont le nom peut varier et qui peut s’appeler « frais de dossier » comme a voulu le faire croire la Fédération française de football dont le district du Rhône n’est qu’un organe déconcentré. Il convient de rappeler que les fédérations sportives agréées et délégataires sont chargées d’une mission de service public administratif et qu’à ce titre elles perçoivent des aides financières de l’Etat afin de leur permettre de mener à bien ces missions. Pourtant, les règlements fédéraux doivent respecter, les dispositions du décret du 8 janvier 2004 maintenant codifiées à l’annexe I-6 art R131-2 et R131-7 du Code du sport qui prévoient que les fédérations agréées doivent adopter un règlement disciplinaire type. Le troisième alinéa de l’article 14 du règlement disciplinaire type est ainsi rédigé : « L'exercice du droit d'appel ne peut être subordonné au versement d'une somme d'argent à la fédération ou limité par une décision d'un organe fédéral. » Cependant, pour le dictionnaire « Le petit Robert », les frais sont une « dépense occasionnée par l’accomplissement d’un acte juridique ou d’une formalité prescrite ». Le même dictionnaire précise qu’un droit est une « somme d’argent, une redevance, qu’une personne, une collectivité est en mesure d’exiger de quelqu’un ».
La position des fédérations sportives qui ne respectent pas ces dispositions, est confortée dans les faits, par le comportement du ministère chargé des sports qui, alors même qu’il dispose du pouvoir de faire contrôler les dispositions des fédérations sportives, s’abstient de le faire pour des raisons qui nous échappent, alors même que ce ministre a attribué un agrément à ces fédérations.
Le considérant de principe posé par la Cour est très clair quant à la nature des frais perçus : « Considérant que contrairement à ce que soutient le district du Rhône de football, l’exercice du droit d’appel est soumis au versement d’une somme d’argent (….) qu’alors même qu’elle serait représentative de frais de dossier et qu’elle serait d’un montant modeste, ces dispositions sont contraires, à celles également précitées de l’article 14 de l'annexe I-6 du Code du sport….. »
Ainsi donc les efforts sémantiques des fédérations sportives sont réduits à néant… sous réserve d’un recours en cassation., Cette décision vient à point nommé rappeler aux fédérations sportives agréées mais aussi délégataires que le monopole confié par l’Etat ne leur confère pas le droit de tirer profit de leurs prérogatives de puissance publique dans un but autre que la poursuite de leur seule mission de service public. Or, il peut être tentant pour certaines, de confondre le service public avec la possibilité d’y associer des ressources dont les bases légales sont pour le moins incertaines.
Rappelons pour mémoire que la décision qui a consacré l’existence d’un service public du sport « Fédération française des industries d'articles de sports » (CE, 22 nov. 1974 : Rec. CE 1974, p. 577, concl. Théry ; AJDA 1975, p. 19, chron. Franc et Boyon ; AJDA 1976, p. 60, note Plouvin) avait déjà annulé la perception d’un droit indu par la fédération française de tennis de table. Dans cette affaire les fabricants de balles de tennis de table devaient verser annuellement 5 000 F par an pour que les balles soient agréées et puissent être utilisées lors des compétitions. Par la suite, à propos du pouvoir qu’ont les fédérations sportives d’autoriser certaines manifestations, il a été jugée que la délivrance d'une telle autorisation ne pouvait pas être subordonnée au versement d'une somme d'argent (CE, 28 juill. 2000, n° 158160 et 170310, Association nationales des courses pédestres hors stade).
Cette lacune du contrôle ministériel est d’ailleurs exploitée par les fédérations sportives elles-mêmes qui n’hésitent pas à expliquer que l’agrément du ministère chargé des sports vaut brevet général de régularité du règlement disciplinaire. Ce n’est bien évidemment pas le cas, comme la Cour administrative d’appel de Lyon vient de le relever.
Il convient maintenant d’informer de manière la plus large possible les sportifs et leurs clubs du caractère abusif de tels frais afin qu’ils évitent de payer à des fédérations sportives parfois opulentes des sommes non justifiées. L’idéal serait que le ministère chargé des sports se décide enfin à intervenir afin de s’assurer le respect des textes qu’il a lui-même édictés, non sans raison.
Par ailleurs, il n’est pas certain que la perception de tels droits en l’absence de toute base légale ne puisse pas s’analyser comme la commission du délit de concussion prévu par l’article 432-10 du code pénal et ainsi rédigé : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction……»
Jean-Christophe LAPOUBLE Maître de conférences Institut d’Etudes Politiques de BORDEAUX Avocat, Veber Avocats  
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